Des scanners corporels pour déshabiller virtuellement

Des scanners corporels pour déshabiller virtuellement

Je suis récemment allé au cinéma voir le film 2012. Afin de préserver l'intérêt du film pour ceux qui iront le voir, je ne vous en ferai pas le pitch mais je vous donne la fin que tout le monde devine : l'effondrement de nos civilisations telles que nous les connaissons est prévue pour 2012. Ce film, au demeurant intéressant, stigmatise l'incapacité de l'humanité à protéger la main qui le nourrit. Plus généralement, ce film montre que l'homme est inapte à assurer sa survie dès lors que l'échéance est lointaine ou diffuse. Je suis en accord avec l'affirmation selon laquelle l'humanité est assez malhabile dès qu'il faut se projeter sur le long terme, mettons plus de 10 ans. Le sommet de Copenhague en propose une affligeante illustration. En revanche à court terme, c'est une autre histoire.

Vous avez probablement entendu l'histoire du nigérian Omar Farouk Abdulmutallab qui a essayé de faire exploser le vol Amsterdam-Detroit, le 25 décembre dernier ? Le jeune homme, âgé de 23 ans, a fort heureusement été maîtrisé par d'autres passagers avant qu'il n'ait pu faire exploser la penthrite répandu sur sa jambe. Quoiqu'il en soit, les conséquences collatérales de cet attentat avorté n'ont pas tardées :

  • Mise à l'index des dirigeants des services de renseignement américain, du vice-président Joe Biden et de plusieurs ministres de premier plan par Barack Obama.
  • Les Etats-Unis ont décidé de ne plus transférer de prisonniers de Guantanamo vers le Yémen.
  • Sans ouvrir un troisième front - après l'Irak et l'Afghanistan - Les Etats-Unis planifient des frappes aériennes au Yémen.
  • Les Etats-Unis viennent de prendre des mesures durcissant les contrôles des voyageurs provenant de 14 pays dont le Nigeria et le Yémen.
  • Regain d'intérêt des pays occidentaux pour les scanners corporels. Citons parmi les pays concernés : Les Etats-Unis, le Royaume Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas et ... La France.

C'est précisément l'arrivée des scanners corporels en France qui motive ce billet.

scanner corporel De quoi parle-t-on exactement ? En l'état, on distingue deux catégories de scanners corporels. La première catégorie, qui sera utilisée en France, emploie un rayonnement s'arrêtant à la surface de la peau. Ce type de scanner permet donc de distinguer tous les objets extracorporels que sont les bijoux, les sous-vêtements, les portefeuilles et les sachets de penthrite dissimulés dans une poche. La seconde est à base de rayonnements ionisants et pénètre la peau. Son principe de fonctionnement est assez proche de l'imagerie médicale ou des rayons X utilisés pour l'inspection de bagages. Ce dernier type de scanners offre naturellement des opportunités de perception accrues.

Continuons sur les dangerosités respectives : La direction générale de l'aviation civile (DGAC) considère la première catégorie de scanners comme inoffensive. Elle fonde cette affirmation sur la puissance des ondes qui seraient 500 fois moins puissantes que celles d'un téléphone portable. A contrario, le caractère ionisant de la seconde catégorie de scanners peut provoquer des brĂ»lures ou des cancers en cas d'exposition prolongée ou régulière à ces ondes. Avis aux voyageurs réguliers. Enfin notons qu'aux Etats-Unis, les deux types de scanners sont déjà installés et opérationnels dans 19 aéroports. En France, plusieurs scanners de la première catégorie vont être commandés pour les aéroports parisiens et devraient être opérationnels d'ici à la fin du mois sur les vols à destination des Etats-Unis.

La majorité des articles que j'ai lus sur le sujet focalisent sur le non respect de l'intimité et la dangerosité pour la santé. Je pense qu'ils se trompent d'angles d'attaques pour ces 2 raisons :

  • A propos de la nocivité des ondes émises : Comme je l'écrivais tantôt, seuls les scanners de la première catégorie seront utilisés en France. A l'étranger, j'imagine qu'il sera possible de préférer la bonne vieille palpation en cas de doute sur la technologie utilisée pour scanner les corps ? De plus, j'utilise quotidiennement mon téléphone portable sans oreillette Bluetooth, je me dis qu'en cas de cancer du cerveau, j'en voudrais probablement plus à mes téléphones portables qu'aux quelques voyages que j'aurais fait vers les Etats-Unis ?
  • A propos du non respect de l'intimité : Là encore que de mauvaise fois! La majorité d'entre nous s'est déjà retrouvée nue ou pas loin, devant un soignant, pour des raisons médicales ? De plus, je considère la palpation comme un acte bien plus invasif et dégradant qu'une représentation 3D de soi tout nu. Comprenons-nous bien, je ne néglige pas et je partage l'aspiration légitime au respect de notre corps. Je dis simplement que cette attente est parfois contournée pour diverses raisons. Cette nouvelle brèche - l'image 3D par scanner - ne me paraissant pas plus dégradante que celles que nous acceptons déjà. Ceci étant affirmé, il conviendra évidemment d'encadrer l'utilisation de ces scanners avec toute la déontologie nécessaire.

Non, à l'aune de ces informations et pour élargir le débat, d'autres questions me taraudent:

  • Une guerre de retard : De ce que j'en comprends, seuls les scanners de la première catégorie sont réellement inoffensifs et ce sont justement ceux là qui seront utilisés dans la majorité des pays, y compris aux Etats-Unis. Dans la mesure où ces scanners se "contentent" de détecter les objets extracorporels potentiellement dangereux, comment empêcher un terroriste de construire sa bombe à partir d'élément préalablement ingérés ? Plus généralement, les scanners comme les autres mesures anti-terroristes sont des ripostes à des menaces déjà identifiées. Dit autrement, ces mesures anti-terroristes sont et resterons en retard par rapport à l'imagination des assaillants. Je me dis qu'il serait peut-être temps de s'attaquer aux causes réelles du terrorisme ? Aussi diverses et contradictoires soient-t-elles. Il serait temps, de s'intéresser à ce qui pousse un jeune homme avec un avenir doré à l'hypothéquer de manière aussi sordide ? Débat très lourd et trop long pour être entamé dans ce billet. Ce sera peut-être l'objet d'un prochain texte.
  • Conservation des données : Je le disais plus haut, la palpation est un acte hautement invasif et bien plus dégradant qu'une représentation 3D de soi sur un écran. Certes, mais à l'issue d'une palpation aucune image de vous n'est conservée. Qu'en est-t-il des images issues des scanners ? Posé autrement, si vous portez une prothèse mammaire, une perruque ou si vous trouvez vos rondeurs disgracieuses, seuls l'agent qui vous palpe le remarquera. Avec un scanner corporel et selon la politique de conservation des données en vigueur dans le pays, il est possible que tous ces constituants de votre intimité passent devant plusieurs paires d'yeux d'agents. Allons plus loin, il est même possible que ces photos se retrouvent sur Internet. Ce qui est autrement plus dommageable que la bonne vielle palpation ! Bref, comment nos gouvernants comptent-t-ils prévenir les possibles dérives consécutives à l'utilisation de ces scanners ? Comment éloigner les déviants et pédophiles qui ont là un moyen de se constituer une bibliothèque à moindre frais ?

Terminons ce billet par une citation de Thomas Jefferson : « Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l'une ni l'autre » . A bon entendeur !

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