La réforme de la protection sociale

La réforme de la protection sociale

En France, la protection sociale profite à la majorité de la population. « La sécu » comme on se plaît à l'appeler est un système solidaire, c'est-à-dire que chacun cotise selon ses revenus et il n'y a pas de malus pour les malades. Revenons sur les fondamentaux : on parle de solidarité quand une réunion ou association de personnes morales ou physiques, ayant des buts ou des intérêts communs s'oblige moralement à une assistance mutuelle : les uns pour les autres, et chacun pour tous. Cette logique de mutualisation des coûts, au sens large, est la base des protections sociales pratiquées dans de nombreux pays comme : les Etats-Unis, la France, la Suisse, le Canada et la Belgique. Ce qui varie d'un état à un autre c'est ce par quoi elle est financée et surtout le cercle de ceux qui en bénéficient.

François Fillon Ce n'est pas un secret, en France des branches de la sécurité sociale sont déficitaires. Le manque augmente d'environ 10 milliards d'euros chaque année. C'est cette situation qui explique pourquoi le premier ministre, François Fillon, a demandé au conseil économique et social (CES) de travailler sur une réforme du financement de la protection sociale. Je vais donc profiter de ce billet pour mettre en perspective les mesures d'urgence déjà proposées par le gouvernement et indiquer quelques pistes de réflexion.

Traditionnellement, il y a deux approches complémentaires pour équilibrer un compte :

  • Augmenter les recettes : Le gouvernement réfléchi à une TVA sociale. En début de semaine, Christine Lagarde, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Emploi, et Eric Besson secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de la Prospective et de l'évaluation des politiques publiques, ont remis chacun, au premier ministre, un rapport qui recommande la prudence vis-à-vis de cette mesure. A ce stade nul ne sait, si et quand cette taxe sera appliquée.
  • Réduire les dépenses : Le gouvernement a choisi les franchises médicales. L'idée derrière ce levier est de responsabiliser le patient en associant à chaque dépense de santé une somme qui restera à sa charge. Les franchises médicales figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Si les axes désignés sont bons (e.g. agir à la fois sur ce qui entre et ce qui sort des comptes), le choix des outils me semble plus discutable. En effet :

La TVA sociale consiste à transférer une partie des cotisations sociales, à la charge des travailleurs vers les consommateurs. Concrètement, l'état allège le coût du travail pour les entreprises françaises, en contre partie il leurs demande de répercuter cette baisse dans le prix de vente de leurs produits. Puis l'état augmente la TVA afin de prélèver exactement ce qui a été cédé aux entreprises. Dans un monde idéal, ce transfert de source, n'entraîne aucune variation du prix final des produits français mais pénalise les produits importés. Et c'est ce surplus de taxe qui financera la protection sociale. Dans la pratique c'est moins évident, j'y reviens plus loin. Actuellement, le gouvernement manifeste beaucoup d'hésitations à s'engager sur cette voie. Et je le comprends. En effet, par définition une TVA est un impôt aveugle qui frappe tout le monde de manière uniforme et ne tient pas compte de la réalité sociale de ses sujets. De fait, « TVA sociale » est une oxymore. De plus, je trouve très courageuses les personnes qui soutiennent qu'une telle mesure n'entraînera pas de hausse des prix des produits français, juste parce que le gouvernement l'aura décidé. En France les prix sont libres et rien n'empêchera les entreprises de consolider leurs marges avant de répercuter la baisse. Tout cela devrait se traduire, in fine, par une augmentation générale du ticket à la caisse.

Au sujet des franchises médicales, commençons par la pratique : les comptes de la sécurité sociale servent à dédommager les victimes des turpitudes de la vie, parmi lesquelles maladie, accident, dépendance, chômage ... Dans la mesure où ni votre santé ni votre dignité n'ont de prix, vous comprenez aisément que les comptes de la sécurité sociale ne puissent s'équilibrer de manière analogue à ceux d'une épicerie. Dis autrement, toute la problématique face aux déficits, consiste à trouver une source volumineuse de financement pour satisfaire un besoin qui n'a pas de prix. Dans cette optique, les franchises ne suffiront pas car elles ne représenteraient que 850 millions d'euros par an. Un mot sur le principe pour finir : comme je le disais tantôt, la sécurité sociale est un système mutualiste qui ne punit pas les malades. En instaurant des franchises médicales, le gouvernement applique un malus aux patients, ce qui va à l'encontre de tout ce pourquoi la sécurité sociale a été créée. Au final les franchises médicales se présentent comme une mesure inefficace face aux enjeux et qui se situe aux antipodes de l'idée qu'on se fait de la sécurité sociale. Je ne suis pas persuadé que le jeu en valait la chandelle.

Quelques pistes de réflexion :

L'idée de TVA sociale a germée à partir d'un constat assez simple et déjà ancien : les dépenses de santé augmentent plus vite que les cotisations sociales (e.g. les salaires). Ceci à cause du vieillissement de la population, de la consommation excessive de médicaments et de la sophistication des actes médicaux. Ceux qui prônent la TVA sociale se trompent quand ils pensent que ce constat remet en cause le mode de financement de la protection sociale. En réalité, il se borne à indiquer qu'il faut augmenter le flux des entrées. J'y reviens plus tard le temps d'un autre constat simple : aujourd'hui le chômage touche 8% de la population active. Ce chiffre triple quand on restreint l'étude aux jeunes (ceux qui cotiseront le plus longtemps) aux personnes âgées et aux habitants des quartiers modestes (les deux catégories auxquelles la protection sociale bénéficie le plus). De mon point de vue, le noeud du problème n'est pas la méthode de cotisation mais la quantité de cotisants. Pour freiner le déficit de la sécurité sociale, il suffirait de réduire le taux de chômage dans ces trois catégories. Sans compter que cela améliorerait d'autres indicateurs comme la consommation, l'envie d'investir, les retraites ... Ce qu'il faut bien comprendre c'est que la sécurité sociale telle que nous la connaissons propose une forme très concrète de solidarité entre les assurés. Ce mécanisme aussi beau soit il, ne fonctionnera que si la proportion des non contributeurs est très faible. Et ce n'est pas le cas aujourd'hui. En clair, même par pur égoïsme, nous avons tous intérêt à ce que chaque personne en capacité de travailler ait un emploi.

Je termine ce billet en mettant les pieds dans le plat. Dixit le gouvernement, les franchises médicales devraient rapporter 850 millions d'euros par an. A titre de comparaison, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA) devrait nous coûter 10 à 15 milliards d'euros par an. D'où ma question : le gouvernement souhaite-t-il réellement résorber le déficit de la protection sociale ?

2 commentaires

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COLPIN Didier a dit:

26 mai 2008

LE "TROU DE LA SECU"

Diverses pistes dans le financement comme dans les dépenses sont explorables

• Remise en cause (éventuelle après études, débats etc.) de la couverture familiale intégrale. Exemple : Un salarié célibataire est assuré social sur la base suivante ; un prélèvement social pour un assuré. Un couple sans enfant avec les deux qui travaillent ; deux prélèvements pour deux assurés. Une famille de quatre enfants avec uniquement le mari en activité ; un prélèvement pour six assurés... Normal ? Sans aller jusqu’à prélever un pour un, un élargissement ne pourrait-il être envisagé ?

• Revoir le prélèvement employeur sur les seuls salaires : Actuellement, des licenciements compensés par l’achat de machines robotisées, c’est moins de ressources pour la sécu mais autant de profits (voir plus) pour l’employeur. Pourquoi ne pas faire glisser (en partie ? En intégralité ?) les prélèvements du travail vers le chiffre d’affaire ou les bénéfices ?

• Transfert de charges : Que les risques particuliers (comme l’exercice d’un sport) soient EFFECTIVEMENT couvert et l’éventuel accident pris en charge par l’assurance souscrite lors de l’inscription.

• Taxes sur la consommation (« TVA sociale) : que devient le projet, sera-t-il repris ?

• CMU + droit du sol = déficit… Les idées présentes derrière la CMU et le droit du sol sont belles et généreuses, c’est certain. Mais en termes comptables… (En Guyane, c’est "tout le continent" environnant qui vient profiter de l’hôpital français…-et à la place de ces gens déshérités, ne ferions-nous pas la même chose ?- ). Faudrait-il présenter la facture aux ambassades respectives ? Envisager d’autres solutions comme revoir la Constitution ?

• Nous avons tous chez nous des bt. de médicaments qui finiront à la poubelle (date dépassée) et qui sont "les restes" d’une prescription : la sécu enrichie les laboratoires. Faudrait-il modifier le système de conditionnement ? Les pharmaciens ne pourraient-ils pas recevoir de grandes quantité pour remettre aux malades juste ce qu’il faut selon la posologie et la durée du traitement ?

COLPIN Didier

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POIRIER Emmanuel a dit:

30 mai 2008

La santé: tout un problème de culture bien français.

Si les gens passent leur temps chez le docteur pour obtenir des médicaments c'est que quelque chose ou quelqu'un leur à mis en tête que les médicaments étaient et efficaces et gratuits.

Ainsi dés que le français moyen a un "problème" de santé genre mal de tête, il se rue sur l'aspirine que le docteur lui aura prescrit et qu'il aura stocké en masse dans son armoire à pharmacie. Mais le français moyen n'aura jamais l'idée de s'interroger sur le pourquoi, la cause de son mal de tête. Aurait t'il eu une nuit agitée suite à un film plus que violent la nuit précédente? Aurait t'il interrompu un cycle de sommeil? Ces questions et bien d'autres le français moyen ne se les posent pas. Et le système qui lui est proposé ne les pose pas plus: la médecine alophatique traite les symptomes, pas les causes, elle n'est que du maquillage pour cacher quelque chose de plus grave. Par exemple l'absence d'exercice physique (la voiture, la TV, l'internet, le travail au bureau... ne contribuent pas à la dose nécessaire de sport. Nous sommes des animaux ne l'oublions pas: 95% de notre ADN est identique à celui de singe bonobo.)

Au lieu de chercher sans cesse à changer le système, il faudrait aussi songr très sérieusement à changer les français!

Dans d'autres pays, les médicaments sont en vente en grandes surfaces, de mêmes que de nombreux compléments alimentaires: la santé a un prix, la bonne alimentation aussi, et le sport aussi. Les anglais, les australiens, les irlandais ont fait leur choix, et ils ne sont pas perpétuellement en grêve pour sauvegarder leurs acquis.

Le gouvernement français lui, face à une population qui ne veut aucune nouvelle contrainte mais toujours plus d'avantages, passe son temps à changer les lieux de ponctionnement des taxes et impôts: il souffle le chaud et le froid, déshabille paul pour habiller jacques.

Il faudrait que les français est plus le goût des voyages et comparent leurs cultures à celles d'autres pays pour arriver à être plus souples et plus intelligents dans la création d'un système plus simple et plus efficace.